jeudi 17 mars 2011

Quel plan B pour la filière scientifique au Lycée ?

Le  7 décembre 2009,  les résultats du rapport Pisa mettaient en évidence le médiocre niveau de culture scientifique de nos élèves : la France pointait au 27ème rang sur  65. Dans le même temps le ministère de l'Education nationale engageait la réforme du Lycée dans la précipitation . Presque 2 ans plus tard, le ministre Luc Chatel regrette que nous  ne "formons toujours pas assez de techniciens supérieurs et d'ingénieurs" et que "en France il n'y ait que 44 ingénieurs/10 000 habitants contre 61/10 000 habitants en Chine" .
C'est justement grâce à la réforme du Lycée et au plan sciences que le ministère compte relancer la formation scientifique.

Le pivot pédagogique du plan science  sapé par la réforme du Lycée
Les objectifs pédagogiques du plan sciences ont été clairement indiqués par Luc Chatel le 31 janvier 2011 : "Pour les sciences, les activités où l'élève observe, expérimente, cherche à expliquer sont très plébiscitées … j'encourage le déploiement d'un enseignement basé sur l'expérimentation et l'investigation". Cet enseignement existait déjà avant la réforme, sous forme de séances en demi-classe de Travaux Pratiques (réalisations d'expérimentations en  sciences physiques et SVT) et de Travaux Dirigés (mathématiques).
Avec la réforme du Lycée l'organisation de ces séances n'est plus obligatoire, elles disparaissent du cadre national . Par contre chaque établissement peut choisir de les maintenir en piochant dans les dotations horaires annuelles dont les volumes sont en forte baisse cette année encore. "Il faut réduire les enseignements classiques cours / TP / TD au profit d'autres méthodes pédagogiques" annonçait récemment  l'Inspecteur d'Académie de la Nièvre . Ces enseignements, pourtant conformes au plan science, sont dans les faits réduits ou purement supprimés.

Accompagnement  Personnalisé : une communication trompeuse
A tous les niveaux (seconde, première S et terminale S), des heures d'enseignement, notamment  scientifiques, sont supprimées au profit d'un Accompagnement Personnalisé de 2 heures hebdomadaires. Ce nouvel enseignement, dont le contenu est la décision de chaque Lycée, doit comprendre "des actions coordonnées de soutien, d'approfondissement, d'aide méthodologique"3 dans des "groupes à effectif réduit en fonction des besoins des élèves" . Ces directives sont constructives.
Mais ces nouvelles méthodes pédagogiques se heurtent aux réalités du terrain : non seulement les actions de soutien disciplinaire proposées par les enseignants sont pour la plupart refusées, mais en plus les établissements n'ont pas reçu les moyens horaires permettant d'organiser l'accompagnement personnalisé à faible effectif. Bien que les élèves et leurs parents attendent principalement de ces séances du soutien disciplinaire en petit groupe, les lycées ne peuvent pas le leur offrir.
Selon la Rectrice de l'Académie de Dijon : "nous avons fait le choix, pour expérimenter, de donner la gestion des Lycées à l'Inspection académique" . Les établissements bien dotés auront à la prochaine rentrée suffisamment d'heures pour maintenir les TP et faire de l'accompagnement personnalisé à effectif réduit, les autres ne le pourront pas : de telles disparités géographiques mettent en péril l'accès d'une partie des élèves à la culture scientifique.

La formation scientifique commune réduite comme peau de chagrin
Depuis la rentrée 2010, en classe de seconde, la formation en sciences est amputée de 1,5 heure par semaine. Cependant c'est en Première Scientifique que la situation est alarmante. Les élèves qui ont choisi cette filière par goût pour sa spécificité perdent 3,5 heures d'enseignements scientifiques hebdomadaires. Moins de la moitié des horaires en Première S sera consacrée aux sciences  ! Comment la France peut-elle former des techniciens, des ingénieurs compétents dans ces conditions ?
Ainsi la mise en œuvre des nouvelles pédagogies interdisciplinaires se fait au détriment de la formation commune scientifique.
Face aux interrogations des enseignants, le discours de l'Inspection est limpide : "La filière Scientifique, bien que très prisée par les élèves, produit peu de scientifiques, il fallait donc la réformer". Le terme juste aurait été déformer, la filière S désormais réduite dans sa spécificité, est adaptée aux élèves qui ne se destinent pas à faire des sciences !

Les pauvres engagements du plan sciences au Lycée
Pour "lutter contre la désaffection des filles pour les métiers scientifiques", le ministre va "signer des conventions avec 3 associations " qui agissent en ce sens. De plus il "va demander à chaque lycée de nouer des partenariats locaux avec des entreprises pour qu'une fois par semaine, elles viennent dans un établissement faire une présentation des métiers de leur secteur" .
Ces engagements louables n'ont pour objectif que de susciter le goût pour ces métiers mais ils ne peuvent pas masquer la sape de la formation scientifique engagée au Lycée.

Le grand cours de sciences du collège a-t-il vocation à s'étendre ?
De nouvelles pistes pédagogiques inquiétantes sont aujourd'hui testées dans 52 collèges. On y expérimente "un grand cours de sciences et technologie … c'est l'idée qu'il n'y ait plus qu'un seul enseignant pour la physique, la chimie, les sciences et Vie de la Terre et la technologie" . Cette vision de l'enseigne-ment scientifique risque fortement de faire tendre les contenus vers plus de superficialité et de mettre devant les élèves des enseignants qui ne peuvent pas être correctement formés dans l'ensemble de ces domaines.

Actuellement dans les entreprises mondiales "8 ingénieurs sur 10 proviennent de l'Asie du Sud Est"2, principalement parce que les systèmes éducatifs de ces pays forment des professionnels plus compétents dans leurs secteurs.
Ce n'est pas en réduisant les heures d'enseignement scientifique dans ces filières et en abandonnant les séances de Travaux Pratiques et de Travaux Dirigés en demi-classe que le Lycée préparera correctement les futurs étudiants à devenir des techniciens, des ingénieurs compétitifs.
Redorer l'image des disciplines scientifiques était nécessaire mais pas au détriment de leur enseignement commun !


1 commentaire:

  1. Je pense qu'avec ces explications, tout est clair!!

    Il faut maintenant les diffuser au plus grand nombre, en particulier auprès des parents d'élèves, pour qu'ils sachent ce qui attend leur enfants qui vont entrer en seconde au lycée.

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